Patrice Cantalejo, un artisan de bijoux textiles
Rencontre hors du temps au Pays Basque avec Patrice Cantalejo, un artisan inouï qui tisse des bijoux et fait de la passementerie traditionnelle des bracelets, des colliers.
Galons, lézardes, tresses, glands et pompons : tel est le savoir-faire de Patrice Cantalejo et c’est par pur hasard que je suis tombée sur son atelier.
En visite à La Bastide-Clairence, un village carte postale de l’arrière-pays basque avec ruelles étroites et maisons blanches aux volets rouges sang, verts ou bleus ; la chapelle et le cimetière ont attiré mon attention par leur charme, leur typicité. Et c’est sur la place même de l’église qu’il tient boutique et atelier.
La passementerie, cela vous dit ?
C’est l’art de fabriquer en fils de soie, de coton, d’argent et d’or toutes sortes d’objets d’ornement comme les galons cache clous d’un fauteuil, les pompons et embrasses d’une paire de rideaux.
Un art qui remonte à la nuit des temps avec une arrivée en Occident pour l’Empire Romain via la soie chinoise au 2 nd siècle après JC avant de se développer au VI ème siècle par l’importation d’élevage de vers à soie dans nos contrées.
Une vie pour des fils de soie, d’or et d’argent
Assurément Patrice Cantaléjo n’a pas été passementier toute sa vie ; mais peut-être son travail d’assistant d’architecte d’intérieur a t’il développé en lui ce souci du beau, cette recherche du parfait dans l’esthétisme, cette quête de la créativité, cette aptitude à faire de l’inédit. C’est un coup de foudre pour la précision et la beauté de ce travail manuel qui le pousse à se former en 1999 chez un passementier parisien, à s’initier à fabriquer des apprêts tels que guipures, rosettes et ganses.
En 2006 il construit un atelier à Provins, entretient et répare lui-même ses machines et outils. Tout en honorant ses commandes pour l’ameublement, la décoration ; il développe peu à peu une collection de bijoux contemporains. Installé aujourd’hui depuis 5 ans au Pays Basque, ce Meilleur Ouvrier de France se consacre totalement au bijou en respectant totalement la tradition ancestrale du fait main ; alors que la quasi-totalité du travail de passementerie d’ameublement est aujourd’hui fait en Asie pour des raisons de coût salarial bien sûr.
L’artisanat propre à Cantalejo : tissage et retord
La plupart des ornements façonnés de passementerie sont aujourd’hui fabriqués mécaniquement ; alors que dans le travail de Patrice Cantalejo l’agilité des doigts est inédite, créative et omniprésente.
Il fait lui-même ses bobines de soie à partir d’une bobineuse de 1920. Pour fabriquer ses cordons, il se sert d’un retord et tend ses fils ou « âme « ; c’est-à-dire qu’il leur impulse une torsion, qu’il les recouvrira par d’autres fils ou les assemblera. Cette partie-là du travail artisanal nécessite plusieurs années d’apprentissage pour en maîtriser les subtilités. A contrario, le tissage est plus classique sur un métier à tisser en bois et cordes ; même s’il est éprouvant physiquement pour le dos et les cervicales.
Comme sur un métier Jacquard, il s’agit ici de fils tendus (la chaîne) entrecroisés perpendiculairement par une trame. Et la particularité de Cantalejo est de constituer sa trame avec des fils simples ou des fils travaillés en retord. Via le tissage manuel des crêtes, l’artisan fait passer les navettes chargées de la trame à travers la chaîne et ce passage selon qu’il est dessus ou dessous permet de réaliser des modèles dans lesquels s’entrecroisent les guipures, se superposent les nœuds, s’entrelacent les boucles hétéroclites.
Un travail de patience, de minutie qu’il faut avoir vu de ses propres yeux pour mesurer la beauté des gestes, la qualité d’un travail unique.
Et au final pas moins de 5 heures de travail pour un tour de cou, les colliers prenant bien sûr plus de temps car plus longs.
Bracelets plats, colliers courts, ceintures à arcades : les possibilités joaillières de Patrice Cantalejo sont multiples et ravissantes, que le travail soit en fils d’or et d’argent ou fluos et luminescents. Et pourquoi ce sublime tissage de passementerie ne sublimerait-il pas une nuisette, un déshabillé ou un soutien-gorge sexy ?
Patrice Cantalejo
Place de l’église
64 240 La Bastide-Clairence
Comptez 75 € le bracelet et 170 € le tour de cou
En ouverture le modèle Scoobidoo, une ceinture de soie et PVC (certain visuel de N. Mingasson)