Yoga : ascètes, yogis et soufis
Une exposition sur le yoga, les yogis, les soufis et les ascètes en Inde au Musée Guimet.
A sujet ardu, exposition austère !
Récurrente dans l’Inde ancienne autant que contemporaine, la figure de l’ascète est centrale dans de nombreuses manifestations de l’art indien. Elle illustre ainsi notamment le développement -pour se retrancher du monde- d’une discipline mentale et corporelle appelée yoga. Dédiée aux représentations de l’ascétisme, cette exposition réunit un ensemble de 70 œuvres, des miniatures indiennes et de sculptures sur bois et bronze, du 10e au 19e siècle.
Fuir le monde apparait très tôt comme un idéal dans les multiples courants religieux en Inde. Cette aspiration au renoncement tient probablement à la croyance en la réincarnation, perçue comme une souffrance dont l’homme cherche à se délivrer. Celle-ci est liée à la causalité du karma – mot sanskrit qui désigne à la fois l’acte et ses conséquences. Bonnes ou mauvaises, les actions de notre vie déterminent une renaissance plus ou moins heureuse dans la suivante. Choisir la voie de l’ascèse devient alors un moyen de réduire l’enchaînement des causalités. Mus par cette aspiration, le bouddhisme et le jaïnisme ont associé ascèse et vie monastique tandis que le brahmanisme a recherché l’équilibre entre vie mondaine et renoncement, notamment à travers la pratique du yoga.
Shiva
Shiva est un des deux grands dieux du brahmanisme et de l’hindouisme contemporain. D’une nature ambivalente, Shiva est un dieu ascète : coiffé d’un chignon de tresses et la peau couverte de cendres, il est un maître du yoga, qu’il pratique sur le mont Kailasa, dans l’Himalaya. Bien des mythes décrivent son errance ascétique et malheur à celui qui cherche à le détourner de ses austérités. Pourtant, c’est ce que parviendra à faire la déesse Parvati qui, pour cela, devra compter sur sa beauté mais aussi sur sa propre maîtrise de l’ascèse et du yoga. De manière paradoxale, Shiva est donc à la fois le « renonçant » par excellence et le modèle du chef de famille, puisque son union avec Parvati est essentielle pour la protection de l’univers, par la procréation d’un enfant (le dieu Skanda) à même de combattre les démons qui menacent la Création. Il est ainsi bien représentatif de la tension entre vie mondaine et vie ascétique qui est au cœur de la pensée brahmanique.
Pratiques ascétiques
Dans la mythologie indienne, les sages divins (rishi) contrôlent l’univers par la puissance de leur ascèse, assimilée à un feu ardent (tapas). Plus concrètement, de manière sociale, le brahmanisme établit une tension entre le statut du maître de maison et celui du « renonçant ». Il va surtout développer l’idée que la vie de l’homme peut être divisée en quatre grands stades (ashrama) : le temps de l’étudiant brahmanique (célibat, continence, études), celui du maître de maison (vie maritale et pratique des rites), celui de l’ascète forestier (vie en marge de la société après l’obtention d’une descendance) et celui du renoncement complet (samnyasa, qui suppose l’abandon de la famille).
Aux origines du hatha-yoga
Petit à petit au cours du 2e millénaire de notre ère, le terme hatha devient d’usage pour désigner un « effort violent ». À travers ce « yoga de la force », l’adepte se soumet à une culture intensive, se forgeant un esprit inflexible dans un corps délié, pour se libérer des conditionnements de l’existence. Il s’engage dans une voie extrême, faite d’exposition aux intempéries, de jeûnes, d’exercices posturaux difficiles, de rythmes et de pauses respiratoires immodérées, d’absorption dans des états de conscience profonds. Pour ses inventeurs, le hatha-yoga n’a que peu à voir avec le yoga mondialisé actuel qui s’appuie essentiellement sur la multiplication des postures.
Mon ressenti sur cette exposition
Si vous êtes un adepte des religions indiennes, un addict au yoga ; vous serez passionné (e). Néanmoins sachez que l’expo en elle-même est assez austère et que les œuvres extrêmement petites, fines dans leur dessin ne sont pas évidentes à voir. Pour un public averti donc.
Juste à côté au 2nd étage, de très belles tenues sur le théâtre-opéra de Pékin d’après Jacques Pimpaneau.
Musée Guimet
6, place d’Iéna 75116 Paris
Jusqu’au 2 mai 2022