Atelier Appâts d’Anges de Frédérick Y. M. Gay
Installé dans la Drôme à Romans, portrait de Frédérick Y.M. Gay, un des rares éventaillistes français.
Histoire de l’éventail et portrait de cet artiste qui travaille la symbolique de l’éventail.
Romans évoque sûrement pour vous l’univers de la chaussure : Jourdan et Kélian y avaient leurs usines. Leurs fermetures vers 2005 entrainant un drame pour l’emploi local, un collectif d’actionnaires a créé la Cité de la Chaussure pour remettre l’univers de la chaussure en coeur de ville, relocaliser la production et proposer du made in France plus éco-responsable.
Mais Romans en matière d’artisanat, c’est bien plus qu’une chaussure quand on se promène dans le vieux quartier des tanneurs près de l’abbatiale St Barnard.
Au détour d’une rue, une vitrine chargée d’objets hétéroclites, des éventails aux grandes plumes de paon ondulentes ne peut qu’attiser l’attention, retenir le regard.
C’est la boutique-atelier de Frédérick Y.M. Gay, un des rares éventaillistes de l’hexagone.
Arrêtez-vous, interrogez le et s’il n’est pas pris par la commande d’un grand nom de la haute couture, il vous contera l’univers merveilleux de l’éventail.
L’éventail, un accessoire de mode popularisé par l’Espagne.
Titulaire d’un DESS mode et création, diplômé des Arts Appliqués de Lyon, Frédérick Y.M. Gay a créé son atelier il y a plus de 20 ans et ne peux que s’attrister sur la manière dont l’éventail a été popularisé et démystifié par les Espagnols qui, pour certains industriels, ont parfois remplacé les tiges par du plastique. Dans certaines boutiques pour touristes l’éventail est « made in China » pour accompagner le cours de tango ou se rafraîchir au théâtre.
Pour F. Gay l’éventail est un des plus beaux fleurons du patrimoine artistique et immatériel français.
Son apparition remonte à Adam et Eve et la feuille cachant la nudité d’Adam, me dit-il, est le tout premier éventail : c’est « le paravent de la pudeur ».
Le travail de Frédérick YM Gay tourne ainsi autour des symboliques du jardin d’Eden, des anges et des mythes fondateurs de nos origines. Bien plus qu’un objet mondain de coquetterie, l’éventail est un objet entre philosophie, spiritualité et anthropologie.
Une histoire millénaire
Et de remonter le temps en quelques lignes sur l’Histoire de l’éventail.
Sur les temples égyptiens sont représentés des esclaves tenant au dessus des têtes des pharaons de larges feuilles de lotus.
Ronds pour les empereurs, en demi-lune pour les personnages moins importants ; on sait que la Chine et le Japon ont poursuivi le concept de l’éventail comme accessoire et signe de reconnaissance des hauts dignitaires.
En Europe l’éventail plié et d’origine nippone est parvenu via les cargaisons d’épices et de soies des navires espagnols et portugais au 16 ème siècle. Très vite il devient un instrument de raffinement chez les nobles et les bourgeois ; Paris étant le centre de création de la feuille avec des sujets mythologiques, bibliques ou des scènes charmantes et galantes à la Boucher et Fragonard.
Par le truchement de Catherine de Médicis, le goût des éventails se déploie dans les cours italienne puis française. Le roi Louis XIV et Colbert instituent des corporations qui seules pouvaient alors réaliser des éventails pour les aristocraties européennes.
Toute dame distinguée se devait de porter un éventail et la production au 18 ème en fait un objet d’art avec peintures, broderies, ivoire, nacre, pierres précieuses, écaille de tortue …
Mais la révolution stoppe l’essor et le luxe que représentait l’éventail et plusieurs éventaillistes partent s’installer à Valence en Espagne.
Le 19 ème démocratise l’éventail et l’Espagne l’industrialise vers 1830. Au 20 ème siècle, il devient un objet publicitaire et connaît un regain exceptionnel à l’époque de l’Art Déco, pendant les Années Folles. L’entre-deux guerres, puis 39-45 signent le déclin de l’éventail, l’objet devenant désuet. Dior en 1947 tente de le réintroduire, suivi plus tard par « Monsieur éventail », Karl Lagerfeld. Mais connoté ringard et surtout inadapté à la nouvelle manière de vivre et de se déplacer, l’éventail a bien du mal à trouver sa place dans les rayons mode et n’émeut plus que les collectionneurs.
Une fabrication très minutieuse
Frédérick Y.M. Gay ne travaille pas en série, il ne réalise que de très petites quantités, de l’unique pour des marques de luxe ; car seule la création dans toute sa pureté et l’originalité l’intéresse. La haute façon pour une centaine de pièces, le partenariat avec la maison Duvelleroy sont le quotidien de Gay et en aucun cas l’éventail de théâtre ou de music-hall.
Il faut voir la précision du plissé qu’exécute Frérérick YM Gay pour comprendre la finesse et la beauté du produit. Tulle, dentelle ou soie sont apprêtées et placées entre un recto et verso d’un moule carton lui même plissé. De « simples » pressions sur les parties hautes et basses du moule assurent le plissage de la feuille qui se loge ultérieurement dans la tablette (les tiges de bois, nacre, ivoire). Découpes, ajouts de pièces décoratives, de plumes finalisent l’objet.
Une vraie merveille de patience et de précision !
Mesdames, le temps n’est plus où vous inscrirez le nom de vos cavaliers sur la tablette de votre éventail pour les prochaines valses ; mais allez admirer le travail de Frédérick Y. M. Gay pour un retour merveilleux dans une époque où l’on savait vivre.
L’émotion de voir que certains perpétuent encore ce style d’ouvrage est grande et le coup d’œil enchanteur. La poursuite, le renouveau d’un artisanat français est à Romans : pensez-y pour vos prochaines tenues d’apparat, de sorties ou de mariage.
Atelier Appâts d’Anges
9 rue Pêcherie
26 100 Romans sur Isère
Possibilité de faire réparer son éventail ancien dans cet atelier